Tribune Investir le monde

Investir le monde

Notre organisation, La CDPQ dans le monde Montréal,
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Dans ce discours au Conseil des relations internationales de Montréal, Michael Sabia parle de la nécessité pour la Caisse et pour l’économie du Québec d’adopter une perspective mondiale. Il présente son plan pour faire de la Caisse une organisation véritablement mondiale de même que son intention d’appuyer les entreprises québécoises dans leur expansion à l’international.

Seule la version prononcée fait foi.

 

Aujourd’hui, je veux vous parler de deux convictions fortes.

Deux convictions qui vont de pair.

La première : pour servir le Québec et ses déposants, la Caisse de dépôt doit devenir une organisation véritablement mondiale.

La deuxième : pour dynamiser son économie, le Québec doit s’ouvrir et profiter beaucoup plus de la croissance mondiale.

Deux objectifs, un même défi.

Un défi difficile, exigeant, mais crucial: celui de nous mesurer au monde entier.

Certains pourraient croire qu’avec les changements que nous avons faits à la Caisse depuis cinq ans, tout est correct, qu’on n’a pas besoin de se lancer ce défi.

C’est notre responsabilité, notre devoir de devenir cette organisation mondiale capable d’aller chercher les rendements là où ils se trouvent et de servir de pont, vers le monde, pour l’économie québécoise.

C’est tout le contraire!

Oui, nous avons bâti des fondations solides.

Oui, nos investissements dans toutes les régions du Québec sont plus importants que jamais.

Oui, nous avons une organisation plus agile, avec beaucoup de compétence et d’expertise.

Les résultats des dernières années en témoignent.

On peut et on doit en être fiers.

Mais on ne doit pas s’arrêter là.

Nous devons nous servir de ces fondations, de cette base, pour faire mieux, pour aller plus loin, pour atteindre un autre niveau en devenant une organisation vraiment mondiale.

Et c’est la même chose pour l’économie québécoise qui doit se brancher résolument sur la croissance mondiale.

C’est notre responsabilité, notre devoir de devenir cette organisation mondiale capable d’aller chercher les rendements là où ils se trouvent et de servir de pont, vers le monde, pour l’économie québécoise.

Ce sera une des pierres angulaires de notre travail pour les cinq prochaines années.

POURQUOI UNE ORGANISATION MONDIALE?

Pourquoi la Caisse doit-elle devenir une organisation avec une perspective mondiale?

Parce que le monde nous offre des occasions formidables et qu’on doit être capable de les saisir.

Exemples :

En Inde :

  • Les besoins en infrastructures sont criants. Ce pays a besoin de 184 nouveaux aéroports, il a besoin de routes, de réseaux électriques. En tout, des investissements de 2 000 milliards de dollars seraient nécessaires dans les 7-8 prochaines années.
  • Également on trouve en Inde des entreprises de qualité, des champions locaux en train de conquérir le monde.

Au Mexique, le gouvernement a lancé toute une série de réformes dans les transports, l’énergie, les télécommunications – autant d’occasions d’investir.

Donc, beaucoup de potentiel, mais ces pays, les pays émergents en général, devront faire des changements structurels importants. Et ce sera difficile.

Certains pays vont y arriver, d’autres non.

Il faut être hautement sélectif et construire une organisation capable de faire les bons choix dans un environnement qui change rapidement.

Bien sûr, le monde ne se résume pas aux économies émergentes.

Juste à côté de nous, il y a la plus grande économie de la planète, une des plus innovantes, des plus productives.

Je parle des États-Unis, un pays rempli de potentiel :

  • le dynamisme de la Silicon Valley;
  • le prix de l’électricité, maintenant très bas;
  • des signes de relance de l’industrie manufacturière; et
  • les investissements massifs requis pour moderniser les infrastructures.

Il y a l’Australie, une porte d’entrée vers l’Asie.

Parmi les pays développés, c’est l’un de ceux qui connaît la plus forte croissance démographique et la plus forte croissance des investissements privés.

Là aussi, il y a des occasions à saisir, dans les entreprises, les chemins de fer, les ports.

Pour relever notre jeu au niveau mondial, nous avons un plan en quatre points : 1) renforcer notre expertise, nos équipes; 2) intensifier notre présence sur les terrains choisis; 3) identifier les bons partenaires; 4) être stratégique dans nos investissements.

Donc, pourquoi se mondialiser? Pour saisir ces occasions.

Mais se mondialiser, ça ne veut pas dire être partout dans le monde, dans tous les pays.

Il ne faut pas se le cacher : ce n’est pas le niveau général de la croissance mondiale qui va nous permettre d’obtenir les rendements souhaités.

Il faut identifier les endroits et les projets les plus propices, les plus intéressants pour nous, les mieux alignés avec nos objectifs.

Et pour mettre la main sur chacune de ces occasions, la concurrence se résume en un mot : féroce.

Sur la patinoire mondiale, il y a beaucoup d’investisseurs.

Et ce sont des gens compétents, qui ont les moyens de leurs ambitions.

Quelques exemples :

  • en Norvège, la Norges Bank a des actifs de 930 milliards de dollars;
  • aux Pays-Bas, ABP gère 450 milliards;
  • les fonds souverains comme celui d’Abu Dhabi, c’est 840 milliards;
  • et celui de Singapour : 350 milliards.

Sans compter tous les fonds privés qui cherchent à placer des milliers de milliards de dollars.

Autrefois, les gros investisseurs pouvaient faire un gros chèque, investi à long terme, et c’était assez pour nous donner un avantage comparatif.

Clairement, ça ne suffit plus.

Nous devons passer du « big money au smart money », de la puissance à l’intelligence, à la connaissance en profondeur.

Il faut aussi être une organisation agile, car personne ne peut prévoir avec certitude ce qui va se passer dans 5, 10 ou 20 ans.

Ce serait arrogant et comme disait Yogi Berra : faire des prédictions, c’est risqué, surtout en ce qui concerne l’avenir.

On doit être capable de s’ajuster : être agile, flexible, intelligent.

Pour ça, on doit comprendre en profondeur à la fois le portrait global, les grandes tendances et la réalité locale.

Dans cet environnement, le nerf de la guerre, c’est l’intelligence du monde.

COMMENT ON FAIT?

Qu’est-ce que ça veut dire bâtir une organisation mondiale?

D’abord, toujours nous appuyer sur les principes qui guident notre stratégie d’investissement :

  • miser sur des actifs de qualité, loin des indices boursiers;
  • des actifs ancrés dans l’économie réelle, et non le produit d’ingénierie financière;
  • en visant des rendements stables, dans la longue durée.

Et surtout: toujours comprendre en profondeur avant d’investir.

Ces principes vont continuer de nous guider.

Pour relever notre jeu au niveau mondial, nous avons un plan en quatre points :

  1. Renforcer notre expertise, nos équipes
  2. Intensifier notre présence sur les terrains choisis
  3. Identifier les bons partenaires
  4. Être stratégique dans nos investissements.

1. Renforcer notre expertise

Dans les cinq dernières années, nous avons investi ici à Montréal, en renforçant nos compétences opérationnelles, économiques et analytiques.

Et maintenant, nous allons renforcer les capacités de nos équipes à mieux comprendre le monde, les pays, les entreprises, les différents secteurs et les bons partenaires dans le monde.

En ayant les bonnes personnes aux bons endroits, avec les bonnes expertises.

Nous avons déjà commencé à le faire avec le recrutement d’Andreas Beroutsos et de Rashad Kaldany, qui se sont joints à nous dans les derniers mois.

Andreas dirige notre équipe Placements privés et infrastructures pour les investissements hors Québec.

Il a passé les 25 dernières années à gérer des activités de placements privé sur le plan mondial, ce qui lui a permis de tisser un réseau aux plus hauts niveaux, et de la plus grande
qualité.

Rashad, qui dirige notre équipe « Pays émergents », en a fait de même, tant dans les secteurs public que privé, au cours de sa carrière de 20 ans en investissement à la Banque mondiale.

En plus de leur grande compétence et de leur connaissance étendue des marchés mondiaux, leurs réseaux sont maintenant au service de la Caisse.
Et ce n’est pas seulement eux, mais aussi les équipes qu’ils sont en train de constituer.

2. Intensifier notre présence sur les terrains choisis

Deuxième point : intensifier notre présence sur le terrain.

S’il y a une leçon que nous avons apprise de nos investissements au Québec, c’est que la connaissance approfondie d’un environnement procure un avantage indéniable quand vient le
temps d’investir.

C’est sur ce principe que nous établissons notre présence mondiale, essentielle pour :

  • obtenir des informations directes;
  • acquérir une sensibilité fine de la réalité des endroits où nous voulons investir;
  • comprendre la culture des affaires;
  • nous trouver au milieu du flux des transactions et des discussions d’affaires – le « deal flow » comme on dit en anglais.

Et en plus, un aspect fondamental : exister dans l’esprit des organisations qui cherchent un partenaire.

S’il y a une leçon que nous avons apprise de nos investissements au Québec, c’est que la connaissance approfondie d’un environnement procure un avantage indéniable quand vient le temps d’investir.

On veut être parmi les premiers appelés pour une bonne proposition d’affaires.

Pour ça, nous devons être sur le terrain, là où ça se passe.

On ne sera pas partout, mais on sera au milieu de carrefours importants de l’économie mondiale.

Au sud de notre frontière, par exemple.

Nous avons déjà un bureau à New York et nous allons le renforcer en recrutant des gens qui vont étendre notre expertise dans les domaines des finances, des infrastructures et des placements privés.

Nous en ouvrirons un nouveau à Washington, de façon à nous connecter à une masse critique d’expertise et de relations qui gravitent autour de la Banque mondiale, du FMI et de la Banque interaméricaine de développement.

Washington, c’est un carrefour de l’économie mondiale, et des réseaux d’affaires latinoaméricains.

Toujours dans l’ALÉNA, nous allons ouvrir un bureau dans la capitale du Mexique, une tête de pont vers l’Amérique latine.

Pour ce qui est de l’Asie, nous avons déjà un bureau à Beijing.

Pour être présents au centre d’un des plus importants carrefours financiers de l’Asie, du Sud-Est en particulier, nous ouvrirons un bureau-chef à Singapour.

Dans un deuxième temps, notre plan est d’établir des antennes à Mumbai en Inde et à Sydney, en Australie.

Il y a beaucoup de bonnes raisons d’être présent sur le terrain, dont l’une, importante à mes yeux, qui est de permettre à nos gens qui seront affectés à ces postes de s’imprégner de la culture d’affaires de ces régions du monde et d’y tisser un réseau de contacts.

3. Établir un réseau de partenaires

Nos gens à Montréal et notre présence sur le terrain, cette expertise et ces réseaux vont nous permettre d’identifier les bons partenaires.

Pour nous, un bon partenaire, c’est un investisseur ou une entreprise qui a pour objectif de bâtir de la valeur à long terme.

Un bon partenaire nous apporte une complémentarité géographique, sectorielle ou opérationnelle.

C’est le cas par exemple des parts que nous avons acquises dans le port de Brisbane, en Australie.

Nous sommes partenaires avec des investisseurs institutionnels australiens, qui connaissent parfaitement leur propre environnement.

Quand un éventuel partenaire aura besoin d’un investisseur – nous voulons qu’il pense à la Caisse comme un partenaire de premier choix.

Nous voulons le connaître, ce partenaire.

Nous voulons connaître l’environnement, et si nous concluons que nous pouvons bâtir de la valeur, nous saisirons l’occasion.
Nous aurons cette capacité.

4. Être stratégique dans nos investissements

Les trois premiers éléments de notre plan nous offrent une vision globale et une plateforme pour opérer dans le monde.

Comment utiliser cette plateforme?

On doit être capable de différencier les modes du jour des tendances lourdes de l’économie mondiale.

Distinguer les investissements opportunistes, des investissements stratégiques.

Exemples :

  • Chaque année, des millions de personnes dans le monde rejoignent les classes moyennes et exigent plus d’aliments de meilleure qualité, ce qui nous pousse à regarder le secteur de l’agroalimentaire.
  • Deuxièmement, en Amérique du Nord et dans beaucoup d’autres pays, la production et la distribution d’énergie sont en pleine transformation.
  • Un autre exemple: la croissance de l’économie et de la population dans le monde nécessite des centres commerciaux, des immeubles à bureaux, des logements – c’est le domaine de notre filiale Ivanhoé Cambridge.
  • Et comme je l’ai dit un peu plus tôt, les besoins pour rénover, construire et financer les infrastructures sont gigantesques.

Nous travaillons à identifier ces tendances lourdes de l’économie mondiale pour investir de façon stratégique, à long terme.

Notre objectif avec ce plan est simple: nous doter d’une vision à hauteur du monde, solidement campée dans notre expertise, nos réseaux, notre présence et nos partenaires, doublée d’une profondeur dans des domaines porteurs qui s’inscrivent dans les grandes tendances mondiales.

Avec ça, nous allons élever le niveau de notre jeu, étape par étape – à long terme.

Pour devenir une organisation de calibre mondial, capable de se mesurer au monde entier.

ET LE QUÉBEC LÀ-DEDANS?

Devenir une organisation de calibre mondial, est-ce que ça veut dire délaisser le Québec?

Non! Au contraire.

Les deux vont de pair, parce que d’après nous, le défi le plus important consiste justement à internationaliser l’économie québécoise.

On a de gros défis à surmonter. Nous le savons tous.

D’abord, il ne faut pas se leurrer sur la taille et la profondeur de l’économie québécoise. Notre économie, c’est 0,3 % de l’économie mondiale.

Notre économie est de moins en moins exportatrice.

Depuis 2000, nos exportations internationales ont diminué de 1 % par année. Elles sont passées de 42 % du PIB à 27 %.

Depuis 2007, il y a eu des emplois créés dans la construction, la santé et l’éducation.

Dans les autres secteurs de notre économie? Aucune création nette d’emplois.

En machinerie et équipement, les investissements reculent de 1,3 % en moyenne par année au Québec.

Aux États-Unis, c’est l’inverse: une progression de près de 1 % par année.

La productivité?

Devenir une organisation de calibre mondial, est-ce que ça veut dire délaisser le Québec? Non! Au contraire. Les deux vont de pair...

Aux États-Unis et au Canada elle a augmenté annuellement environ trois fois plus qu’au Québec.

Pour couronner le tout, nous entrons en période de déficit démographique.

Les gens qui prennent leur retraite seront plus nombreux que ceux qui sont en âge d’entrer sur le marché du travail.

Beaucoup de chiffres qui disent tous la même chose: on peut et on doit faire mieux.

Investir dans les infrastructures, mettre l’accent sur l’éducation, garder les portes ouvertes à l’immigration, tout ça est nécessaire.

Mais si on veut renverser la situation économique, il faudra participer beaucoup plus intensément à la croissance mondiale.

Nous devons exporter beaucoup plus, exporter mieux, aller chercher la richesse et la croissance là où elles se trouvent.

Nous devons exploiter le potentiel de nos entreprises capables de s’installer sur les marchés extérieurs.

Comme pour la Caisse, il faut élever notre niveau de jeu, être prêts à nous mesurer au monde entier.

C’est une ambition difficile et exigeante, mais il s’agit aussi et surtout d’une formidable occasion de fouetter notre économie.

Comment la Caisse peut-elle contribuer?

Évidemment, on va continuer d’investir au Québec. Avec une perspective mondiale.

Nous allons faire trois choses :

  • identifier et investir dans les entreprises québécoises capables de se positionner sur les marchés mondiaux;
  • mettre nos capacités mondiales au service des exportateurs;
  • et soutenir une culture entrepreneuriale tournée vers le monde.

Nous sommes partenaires de centaines d’entreprises au Québec, dont plus de 400 PME.

Plusieurs sont capables d’exporter, d’exporter plus, d’exporter mieux, vers des marchés plus porteurs.

D’exporter mais aussi de prendre de l’expansion en s’installant dans de nouveaux marchés.

Nous allons continuer à chercher des entreprises de toutes les tailles, des entreprises prometteuses, et on va mettre l’accent sur celles qui ont le potentiel pour aller sur les marchés extérieurs.

On va investir dans ces entreprises et bâtir avec elles à long terme.

Deuxièmement, on va mettre nos réseaux et notre expertise mondiale au service des entreprises québécoises avec lesquelles nous sommes en affaires.

Pour les accompagner, pour faire du maillage avec des entreprises de l’extérieur, avec nos partenaires à l’étranger.

Et troisièmement, la Caisse va intensifier ses efforts pour renforcer la culture entrepreneuriale au Québec.

Les entrepreneurs ont de l’ambition et pour conquérir le monde, ça prend de l’ambition.

Faire des affaires dans le monde entier, ça doit devenir un réflexe au Québec, un réflexe contagieux.

Lorsqu’un entrepreneur décide d’exporter sur le marché mondial, il se mesure à la compétition mondiale.

Cette exigence le pousse tout naturellement à innover, à adopter les meilleures pratiques, à former les meilleurs travailleurs, à s’équiper des machines les plus performantes.

Qu’elles soient petites, moyennes ou grandes, nous allons appuyer les entreprises québécoises prometteuses dans leurs projets d’expansion.

Comme partenaire, nous allons les accompagner dans leurs efforts pour profiter de la croissance là où elle se trouve, afin de contribuer à bâtir des entreprises fortes, capables de gagner sur les marchés mondiaux. Tout en produisant des rendements solides pour nos déposants.

Faire des affaires dans le monde entier, ça doit devenir un réflexe au Québec, un réflexe contagieux.

De cette manière, nous allons aider l’économie québécoise à prendre sa place, toute sa place dans le monde.

UNE AMBITION À NOTRE MESURE

Dans les années 60, il fallait beaucoup d’ambition pour imaginer que la Caisse de dépôt allait devenir ce qu’elle est aujourd’hui.

Les architectes de la Caisse, Jean Lesage et Jacques Parizeau, ont eu cette grande ambition de créer une puissante institution financière, capable de répondre aux attentes de ses déposants et de contribuer au développement économique du Québec.

L’année prochaine, nous fêterons notre 50ième anniversaire.

La meilleure façon d’honorer cette ambition d’origine, une ambition remarquable, c’est d’élever la nôtre, celle de la Caisse et celle du Québec.

Le temps est venu de nous donner une ambition à notre mesure.

Celle d’investir le monde.

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