Tribune Infrastructures

Les infrastructures : ancrées dans notre quotidien

Zoom sur l’industrie Montréal,
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Macky Tall, premier vice-président, Infrastructures, et président et chef de la direction, CDPQ Infra, décrit l’importance des investissements en infrastructures, lors d’une allocution devant l’Association des MBA du Québec.

Seule la version prononcée fait foi.

 

Ce matin, vous avez peut-être pris votre voiture. Conduit sur l’autoroute. Ou pris le transport en commun.

Peut-être que quelques-uns ont pris l’avion récemment?

En ce moment, vous avez tous un verre d’eau. C’est grâce à des systèmes d’aqueduc bien entretenus.

Ce mois-ci, certains – plus chanceux – ont une sortie prévue à la Maison symphonique.

Et, dès que la température le permettra, vous vous ferez sans doute un BBQ – peut-être alimenté au gaz naturel?

Les infrastructures, nous les utilisons au quotidien. Elles sont partout.

Ce sont des aéroports, des ports, du transport collectif, des routes. Des systèmes de transmission d’électricité et de distribution d’eau potable. Ce sont des centres de recherche, et même des salles de spectacle. C’est aussi de l’énergie éolienne et solaire.

Les infrastructures, c’est ce qui permet au monde de fonctionner. Jour après jour.

En plus, les infrastructures ont un rôle structurant pour l’économie.

Tenez : selon les calculs du FMI, un dollar investi dans de nouvelles infrastructures équivaut à 1,40 $ de nouvelle activité économique. Et si on dépense 100 milliards de dollars en nouvelles infrastructures, 800 000 emplois peuvent être créés.  

En d’autres mots, en investissant dans les infrastructures, c’est à la fois la croissance économique et la productivité qui sont stimulées.

Pourtant, à travers le monde, les besoins en infrastructures demeurent immenses. Les chiffres sont si astronomiques qu’ils paraissent parfois irréalistes.

Selon le McKinsey Global Institute, à l’heure actuelle, 2 500 milliards de dollars sont investis annuellement à travers le monde dans des infrastructures de transport, d’eau, d’énergie et de télécommunication.

Des infrastructures qui nous permettent de nous déplacer, de chauffer nos maisons, de nous informer sur le Web, de transporter des marchandises.

2 500 milliards de dollars , ça vous semble beaucoup? Oui, mais ce n’est pas assez.

Parce qu’il faudrait plutôt investir 3 300 milliards de dollars par année jusqu’en 2030 – juste pour soutenir les prévisions de croissance.  

La différence entre les deux chiffres, c’est ce qu’on appelle le infrastructure gap – c’est le déficit de financement en matière d’infrastructures.

Aux États-Unis, la American Society of Civil Engineers prévoit que 2 000 milliards de dollars additionnels seront nécessaires pour combler les besoins en infrastructures d’ici 2025.

Au Canada – où les estimations sont plus difficiles à chiffrer –, le gap serait de 150 milliards de dollars à 1 000 milliards de dollars.

Et c’est sans compter les pays en croissance, qui représentent 60 % de la demande pour les quinze prochaines années.

En investissant dans les infrastructures, c’est à la fois la croissance économique et la productivité qui sont stimulées.

Les gouvernements tentent de trouver des solutions au problème.

Notre monde est aujourd’hui marqué d’incertitudes. Protectionnisme. Risques géopolitiques. Montée du populisme. Mais économiquement et politiquement, il semble y avoir une certitude générale : celle qu’il faut investir en infrastructures.

Durant la dernière campagne électorale américaine, Donald Trump et Hilary Clinton ont proposé des investissements, notamment dans les routes, les ponts, les aéroports. Et ils ont fait valoir le nombre d’emplois qui seraient créés.

Donald Trump promettait un plan de développement des infrastructures de 1 000 milliards de dollars US sur 10 ans, notamment grâce à des partenariats public-privé.

De son côté, Hillary Clinton souhaitait mettre en place un plan de développement des infrastructures évalué à 275 milliards de dollars US sur 5 ans.

Les chiffres sont différents, mais l’objectif demeure le même : passer par des investissements en infrastructures pour stimuler l’économie.

Mais investir en infrastructures n’est pas chose facile. Parce que les coûts sont à court terme, et les bénéfices à long terme.

Pour tenter de combler le fossé entre les investissements actuels et ceux nécessaires, les yeux se sont tournés vers les investisseurs comme la Caisse.

La bonne nouvelle : notre appétit pour les infrastructures est grand.

Parce que ce sont des actifs stables, prévisibles. Comme je le disais d’entrée de jeu, ce sont des actifs utilisés au quotidien, des actifs « réels », tangibles – ce qui les rend moins sensibles aux fluctuations de marchés. S’il y a une crise économique, les infrastructures ne seront pas les premières touchées.

Alors que les taux d’intérêt ont été extrêmement bas au cours des dernières années, les infrastructures sont aussi devenues une source alternative de rendement avec un faible risque de perte de capital. Une bonne option pour nos déposants.

Et les institutions financières, comme les caisses de retraite et de nombreux fonds souverains – des investisseurs de long terme – ont le capital nécessaire pour investir en infrastructures. On parle en effet d’un énorme bassin de capitaux, alors que ces institutions gèrent environ 45 000 milliards de dollars à travers le monde.

Il y a par contre une moins bonne nouvelle : plus les investisseurs veulent leur part du gâteau, plus le marché devient compétitif – alors que le nombre d’occasions concrètes et attrayantes demeure limité.

Comment la Caisse aborde tout ça?

1) Elle fait des investissements directs en infrastructures… depuis 1999 :

Notre premier actif était l’autoroute 407, en Ontario.

Avec les années, nous avons ajouté l’aéroport Heathrow, des éoliennes au Royaume-Uni et aux États-Unis, la Canada Line à Vancouver, un port et sept infrastructures sociales en Australie – dont le Victorian Comprehensive Cancer Center, un centre de recherche sur le cancer à la fine pointe de la technologie.

En 2015, nous avons acquis une participation dans l’Eurostar, un train voyageurs à grande vitesse, qui relie Londres avec Paris et Bruxelles, via le tunnel sous la Manche. Un des systèmes de transport les plus connus de toute l’Europe.

Ce ne sont que des exemples, mais ils illustrent la croissance de notre portefeuille d’infrastructures.

Un portefeuille qui est passé de 3 milliards de dollars en 2010, à près de 15 milliards de dollars en décembre dernier. Un portefeuille qui mise sur la diversification – à la fois sectorielle et géographique.

Pour tenter de combler le fossé entre les investissements actuels et ceux nécessaires, les yeux se sont tournés vers les investisseurs comme la Caisse.

2) Pour bâtir ce portefeuille, nous avons mis en place une approche de partenariats.

Notre modèle d’affaires est axé sur des partenariats stratégiques avec les plus grands exploitants d’infrastructures au monde.

Un exemple : notre plateforme d’investissement annoncée à l’automne dernier avec notre partenaire DP World, un des plus importants opérateurs de ports au monde. Ensemble, nous avons créé un véhicule d’investissement de 5 milliards de dollars, qui comprenait dès le départ deux terminaux à conteneurs situés à Vancouver et à Prince Rupert.

Non seulement DP World partage notre vision de long terme, mais il nous donne un accès unique à des transactions stratégiques, partout dans le monde.

C’est un exemple qui correspond en tout point à notre stratégie :

  • Investir dans des actifs réels – le transport des marchandises est au cœur de la dynamique économique mondiale
  • Identifier des partenaires qui ont une connaissance pointue d’un secteur – que ce soit le transport ferroviaire, les aéroports, l’énergie éolienne ou les ports
  • Et travailler avec des partenaires qui ont une connaissance fine des différents marchés

3) C’est d’ailleurs grâce à des partenariats que nous avons pu faire des transactions clés dans les marchés en croissance au cours des dernières années.

En infrastructures, ces transactions se concentrent pour le moment au Mexique et en Inde.

Au Mexique, nous avons développé une plateforme d’investissement avec des investisseurs institutionnels locaux. Nous leur apportons l’expertise en infrastructures, et en échange, les partenaires partagent leurs réseaux, leur connaissance d’un marché qui est le leur.

En Inde, nous avons notamment pris une participation importante dans Azure Power, un leader indien en énergie solaire.

Les marchés en croissance sont d’intérêt pour la Caisse. Toutes catégories d’actifs confondues. Mais quand on sait que près de 2 000 milliards de dollars seront nécessaires en infrastructures d’ici 2030 dans les marchés en croissance, nous savons que des occasions, il y en aura.

L’urbanisation jouera d’ailleurs un grand rôle dans ces besoins : d’ici 2050, c’est plus de 6 milliards de personnes qui vivront dans les villes, comparativement à près de 4 milliards aujourd’hui.

 4) Au-delà des partenariats, nous devons miser sur nos gens.

Et c’est vrai pour chacun d’entre nous, peu importe notre secteur d’activités.

Jamais la complémentarité des expertises de mes collègues n’aura été aussi précieuse qu’au cours des dernières années.

Notre secteur est tellement diversifié. Le transport collectif est complètement différent d’un réseau d’aqueduc. Il faut des gens aux profils variés, qui comprennent les opérations, les particularités de chacune des industries.

Notre équipe compte sur des ingénieurs, des financiers, des comptables. Qui ont travaillé ici, en Asie-Pacifique, en Australie et au Mexique.

Leurs « bagages d’expérience » nous sont utiles à tous les jours et permettent d’analyser les transactions sous une multitude d’angles.

Nous pouvons aussi compter sur des équipes sur le terrain – à Sydney, à Singapour, à Delhi, à Paris, à Mexico… Des experts qui ont un réseau, qui ont accès à des transactions, et qui nous permettent d’identifier les meilleures occasions dans leur marché.

C’est d’ailleurs grâce à ces partenariats que nous avons pu faire des transactions clés dans les marchés en croissance au cours des dernières années.

Malgré tout, nous ne sommes pas seuls. Et nous ne pouvons pas nous contenter de reproduire en boucle les mêmes modèles de transactions.

Paul Romer, économiste en chef à la Banque mondiale, a dit : “History teaches us that economic growth springs from better recipes, not just from more cooking.”

Il avait bien raison.

Il faut parfois réviser la recette, changer 1 ou 2 ingrédients.

La compétition internationale pour les actifs en infrastructures est féroce.

Mais la compétition engendre l’innovation.

C’est pourquoi, il y a deux ans, nous avons annoncé la création d’un modèle, CDPQ Infra, pour la réalisation de grands projets d’infrastructures.

Un modèle selon lequel les fonds de retraite des gens sont utilisés pour financer des projets dont ils vont bénéficier.

C’est un modèle public-public, qui se différencie d’un partenariat public-privé.

Le gouvernement du Québec identifie des projets prioritaires et donne son feu vert à nos propositions. À condition – et cette condition est essentielle – que nous voyions un potentiel de rendement pour nos déposants dans les projets proposés.  

De notre côté, à CDPQ Infra, nous gérons par la suite le projet de A à Z. Planification, financement, réalisation, exploitation.

Le gouvernement agit comme gardien de l’intérêt public, mais il nous transfère les risques financiers et les risques d’exécution.

CDPQ Infra est donc propriétaire des actifs, et le projet ne figure pas au bilan du gouvernement – ce qui distingue le modèle du partenariat public-privé.

Notre modèle en est encore à ses débuts. Mais il pourrait devenir une solution à de nombreux défis pour combler le déficit de financement en matière d’infrastructures à travers le monde. Déjà, il suscite de l’intérêt aux États-Unis, en Amérique latine et en Europe.

Au départ, le gouvernement du Québec nous avait proposé deux projets. Après analyse, nous avons décidé d’en présenter un seul : le Réseau électrique métropolitain.

Ce projet, c’est le plus important projet de transport intégré à Montréal en 50 ans – soit depuis le métro de Montréal. Un projet ici, dans le marché que nous connaissons le mieux.

Le REM sera électrique et automatisé. En service 20 h par jour, 7 jours sur 7. À une fréquence de 2 minutes 30 en heures de pointe.

27 stations, dont 3 en plein cœur de Montréal. Un tracé de 67 km – ce qui en fait le 4e plus grand réseau automatisé au monde, tout juste derrière Dubaï, Vancouver et Singapour.

Et le projet permettra de réduire les pertes économiques liées à la congestion routière dans la région métropolitaine, qui sont estimées à 1,9 milliard de dollars par année.

La compétition internationale pour les actifs en infrastructures est féroce. Mais la compétition engendre l’innovation.

Pendant la construction du projet, plus de 34 000 emplois directs et indirects seront créés. Et le projet générera 3,7 milliards de dollars de contribution au PIB.

Comme c’est un réseau électrique, le REM est par définition écologique. Et dès sa première année d’exploitation, il réduira de 35 000 tonnes les émissions de GES dans la région de Montréal.

Le projet a été lancé il y a près d’un an jour pour jour. Depuis, nous avons franchi plusieurs étapes. Tenu des journées portes ouvertes, rencontré les parties prenantes, participé à un processus de consultation publique auprès du BAPE, et lancé les appels d’offres.

Nous avons trouvé une solution pour l’ajout des 3 stations au centre-ville de Montréal. Annoncé une entente de collaboration pour favoriser l’accès multimodal aux stations avec des partenaires innovants comme BIXI, Netlift, Téo Taxi, car2go et Vélo Québec. Et nous avons aussi élaboré une entente avec l’UPA et la Communauté métropolitaine de Montréal pour valoriser le territoire agricole situé aux abords de la station terminale Rive-Sud.

Finalement, il y a deux semaines, nous avons conclu une entente avec le gouvernement du Québec pour sa participation au projet.

Ce sont des étapes cruciales. Chacune d’entre elles. Parfois exigeantes. Mais qui nous permettent d’améliorer le projet en continu. Une méthode de travail efficace en laquelle nous croyons énormément pour réaliser le projet dans les temps.

Comme l'a dit Michael Sabia, le REM, c’est une occasion unique de créer une infrastructure qui contribuera à définir la région métropolitaine. « À en faire une ville attirante, moderne, efficace, inspirante. »

C’est un projet majeur, qui a toutes les qualités pour transformer Montréal.

Le modèle CDPQ Infra est un exemple d’innovation. Mais des nouvelles idées, il faudra en générer d’autres dans les prochaines années.

Parce que les technologies vont tellement vite que le secteur des infrastructures devra s’adapter – comme tous les secteurs.

Comment pourrons-nous tirer profit des imprimantes 3D? Et quel sera l’impact des voitures sans conducteur sur la mobilité des gens?

Le solaire était difficilement accessible il y a quelques années. Aujourd’hui, nous en avons en portefeuille, en Amérique du Nord, et en Inde.

Nous devons rester à l’affût. Bien comprendre les grandes tendances. Ne pas se contenter du statu quo. Mais dans un contexte de forte compétition, les nouvelles technologies, surtout celles qu’on dit « perturbatrices », représenteront aussi des raisons d’innover, et des occasions à saisir.

Alors, qu’ont en commun votre verre d’eau, votre BBQ au gaz naturel ou même votre huile d’olive livrée par paquebot?

Ils sont disponibles grâce aux infrastructures qui nous entourent.

Des infrastructures qui sont ancrées dans notre routine, jour après jour.

Je le conçois bien, les infrastructures ne sont pas toujours glamour. Un viaduc, une bretelle d’autoroute et un système d’aqueduc, ce n’est pas nécessairement ce qu’il y a de plus excitant.

Mais c’est mon souhait, aujourd’hui, que vous ne voyiez plus jamais les infrastructures de la même façon.

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